enfant garçon qui pleure
Communication,  Enfance,  Soin

Comment accueillir la douleur chez l’enfant ?

Accueillir la douleur, voilà le genre de réponses assez courantes quand l’enfant tombe et qu’il se fait mal, ou qu’il est simplement triste : « ô mais c’est rien », « c’est pas grave », « aller, arrête de pleurer, ça va passer », « tu en fais toujours des tonnes pour pas grand chose », « je te l’avais bien dit » ou juste une attitude non verbale qui minimise.

Pourquoi une telle réaction de la part des adultes face à la douleur de l’enfant ?

Voici mes hypothèses :

  • Se rassurer eux-mêmes que le petit bobo ne va pas s’empirer.
  • Faire vite en sorte que l’enfant arrête de pleurer pour ne pas qu’il pleure encore plus.
  • Lui inculquer des valeurs comme « apprendre à supporter les blessures, surtout si ce sont de petits bobos, car il connaîtra pire dans la vie ».
  • Garder ses croyances bien au chaud comme « un garçon ne pleure pas »…
  • Avoir peur de sa propre douleur

Peut-être qu’il y en a d’autres…

En quoi est-ce un problème ?

Blocage du processus naturel de décharge

En disant cela, on ne permet pas à notre enfant de décharger. Or, la décharge est un processus naturel vital, que ce soit pour une douleur physique comme morale ou psychogène (souvent plus assimilée à de la souffrance).

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C’est l’émotionnel qui se libère ! On décharge ce que l’on perçoit pour ne pas conserver en nous-mêmes ce qui nous fait souffrir, peur…et même ce qui nous rend heureux !

La décharge passe par les cris, les pleurs, les tremblements, la transpiration, l’éternuement, les cauchemars (uniquement pour les enfants), les émotions, les bâillements, les vomissements, l’urine et le sommeil paradoxal.

3 bonnes raisons de « décharger » la douleur et la souffrance

– Il est très important de libérer l’émotionnel car lorsqu’il est retenu, il agit comme du poison en nous. Il forme des toxines qui elles-mêmes créent des maladies, à plus ou moins long terme.

Les processus de décharge témoignent qu’une douleur est en train d’être ressentie et combattue. Beaucoup de médicaments, engourdissant la douleur, répriment ainsi la décharge émotionnelle et ne font qu’entraver les mécanismes de guérison naturelle du corps. Ils vont exactement à l’encontre de leur destination première.

Aletha Solter – Mon bébé comprend tout

Nos émotions nous guident dans notre vie, elles nous indiquent nos sens, nos envies, nos besoins et guident nos actes et nos choix. Si on ne les écoute pas, cela nous amène à avoir de la difficulté à nous guider dans la vie, à savoir où l’on va, ce que l’on veut, et à une perte d’envie généralisée.

– L’enfant n’enregistre pas ses expériences douloureuses à la juste mesure de l’intensité à laquelle elles sont vécues, et cela endort l’apprentissage de « l’enregistrement ». Comme il aura enregistré que rien de ce qu’il vit n’est grave ou douloureux, il peut être confronté à revivre ces expériences douloureuses ou d’autres similaires. La douleur est endormie. Ou bien il cherchera plus tard à l’endormir par la drogue, l’alcool, les écrans, le sucre…

Le cerveau a besoin de classer correctement les traumatismes et les expériences douloureuses. Ainsi, lorsque l’enregistrement se fait mal, on peut être amenés à vivre toutes nos expériences douloureuses à la hauteur de traumatismes, mais aussi tout minimiser !

Paroles et attitudes qui bloquent l’accueil de l’émotionnel 

Pour soi-même

Lorsqu’on se fait mal et qu’on dit par exemple « ah c’est rien, je fais ma chochotte », cela nie automatiquement la douleur, alors qu’il est important de la reconnaître et de la décharger dans l’instant.

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Pour les autres

Nier, conseiller (quand l’autre ne demande rien), couper, questionner, psychanalyser, minimiser, analyser, corriger, ramener à soi, défendre l’autre partie, être en sympathie (=être d’accord avec l’autre, aller dans son sens).

Spécifiquement chez les bébés

Pour un bébé et un petit enfant, il existe de nombreuses attitudes qui peuvent bloquer cette décharge quand ils sont utilisés pour arrêter spécifiquement les pleurs ou les colères : bercer, donner la tétine ou un doudou ou quand l’enfant prend son pouce de lui-même dès qu’il a une émotion désagréable, le divertir par tout moyen, le promener, chanter, crier, le taper, lui donner à manger (sein ou biberon, biscuit pour les plus grands) dès qu’il se met à pleurer, le laisser pleurer seul dans une pièce jusqu’à ce qu’il ne pleure plus …

Je t’invite à lire cet article spécifique aux pleurs des bébés où je reprends ces propos.

Comment accueillir la douleur ?

Accueillir la douleur, qu’elle soit physique, morale, chez l’enfant comme chez l’adulte, c’est avoir une présence empathique. C’est être présent avant tout, avant de « faire » quoique ce soit. Sauf si évidemment, la douleur requiert du soin physique d’urgence !

L’accueil permet de considérer la personne, de lui donner de l’espace pour qu’elle vive ce qu’elle a à vivre. C’est exprimer un profond respect pour le ressenti de l’autre, quoiqu’il vive, même si c’est différent de comment on le vivrait nous.

Petite question préalable sur comment tu aimes être accueilli.e toi quand tu souffres ! 

En général, de quelle manière aimes-tu être accueilli.e quand tu te confies sur un événement douloureux ? Qu’est-ce qui te fait le plus de bien ?

Peut-être n’as-tu jamais reçu cet accueil, alors dans ce cas, tu peux essayer de l’imaginer !

Accueillir la douleur de l’enfant, à chaud

  • Évidemment, réagir si la situation demande un réflexe ! Donc soin avant tout ! Mais ça, je ne t’apprends rien 😉
  • Si c’est une situation plus « émotionnelle » : sortir de son smartphone/TV et/ou de ses pensées
  • Se mettre à l’écoute de ce que l’autre dit (enfant ou adulte)
  • Observer si cela nous fait réagir (envie de répondre par les manières ci-dessus), puis calmer notre flot de pensées et être à nouveau présent pour l’autre.
  • Être silencieux et présent et éventuellement répéter juste les mots que la personne vient de dire, l’essence, ceux qui nous paraissent les plus importants de son point de vue.
  • Être attentif et voir l’émotion de la (petite ou grande) personne changer de tonalité rapidement et constater qu’elle trouve des solutions à son problème.
  • Quand l’enfant décharge pendant une « crise émotionnelle » d’une manière que tu juges violente (insultes par exemple), tu es bien-sûr en droit de lui exprimer tes limites et de lui dire de trouver une autre formulation (éventuellement après car il risque de ne rien entendre pendant la crise) ou de l’aider à trouver un moyen de décharge plus respectueux pour chacun.
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Que faire quand accueillir la douleur est trop difficile ?

  • Prends soin de toi ! A chaque fois que tu sens une émotion émerger chez toi quand tu écoutes ton bambin, laisse-la émerger, va décharger dans une pièce seul.e, vis-la, écris-la, partage-la avec ton conjoint, une amie… sors-la de toi ! « Décharger » oui, mais pas « décharger sur l’enfant ».
  • Identifier comment tu as été reçu.e enfant lorsque tu exprimais une douleur et voir le schéma qui se répète. Le voir permet déjà de le mettre à distance.
  • Envisager de suivre des stages de Communication Non Violente pour vivre l’expérience de recevoir une présence empathique. Cela m’avait vraiment agréablement surprise de recevoir une vraie attention et écoute pendant tous ces stages !
  • Trouver un ou une thérapeute dont la présence te soutiendra vraiment dans ton processus de décharge, où le lien humain te permettra de te livrer et d’être pleinement entendu.e. C’est le cœur de mon métier, avant toute spécificité ou compétence plus technique 🙂

Je crois sincèrement que l’on ne peut pas commencer à vivre un autre type de relation avec nos enfants si on n’apprend pas à faire autrement avec nous-mêmes également.

Sinon, le risque est de tomber dans le piège du parent qui n’écoute pas ce qu’il ressent, ni ses besoins ni ses limites. Après cela, tout la famille en pâti.

Sources :
Pratique en épigénétique méthode Noguès
Livres Aletha Solter Mon bébé comprend tout ; Pleurs et colères des enfants et des bébés
Apprentissages issus des stages de CNV
Expérience personnelle

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6 commentaires

  • claire

    C’est vrai qu’il est difficile de faire face à la douleur de son enfant. Parfois, j’ai l’impression de ressentir moi-même la douleur (certains de leurs pleurs me tordent les tripes et me font bien mal!), parfois je vois bien que c’est un petit bobo qui a déclenché de grosses larmes mais que c’est en fait la fatigue/colère/énervement qui prend le dessus parce que le même bobo en pleine forme n’aurait pas eu le même résultat. Leur demander ce qu’ils ont, faire un bisou magique, offrir des bras ou un doudou s’ils le demandent et prendre le temps de les réconforter…tel sont mes armes pour les accompagner dans ces épreuves douloureuses!

  • Lydie

    Merci pour cet article très utile à beaucoup de parents/grands parents etc.. Traitons les enfants comme nous voudrions être traités, avec de la considération. Mais c’est que dans le cas de la douleur, on est tellement mal à l’aise, qu’on tente de minimiser… Comme nos parents l’ont fait avec nous il faut avouer… J’essaie au maximum de sortir de ce schéma entre autres et ce n’est pas simple tous les jours ! (Bon heureusement ma fille ne se fait pas mal tous les jours! 😄)

  • Amandine

    Merci pour ton article. Ma fille veut mettre un pansement à chaque mini mini égratignure. Si elle voit un point rouge qque part sur son corps, regarde je saigne c’est grave !
    La moindre marque est un gros bobo et j avoue que parfois quand moi même je ne vois même pas une griffe j’ai du mal à ne pas nier ou plutôt à seulement dire non ça va passer …

  • Marie (le Yoga des enfants)

    Merci pour cet article.

    Au travail, je suis avec différents groupes d’enfants. On voit bien le petit jeu de rôle des enfants faisant semblant d’avoir des douleurs afin d’obtenir une seconde chance ou d’obtenir raison (tels les footballeurs à la télévision). Parfois il reste difficile à savoir si c’est semblant ou la réalité.

    Souvent, ils ont des attentes (obtenir raison sur quelque chose, une attention particulière, un avantage par rapport aux autres, un pansement).

    Il est assez difficile de rester neutre et patient. Mais un rappel comme ton article est toujour sle bienvenue !

    • Bastienne

      Merci Marie pour ton commentaire. Et bien je n’avais pas pensé à cela car je ne le vis pas à la maison, mais en effet, je pense que c’est assez courant en fait, ce cas de figure. Je comprends que cela fasse manquer de patience et de compréhension. Pour ma part, ce genre de comportement vient m’indiquer plusieurs choses : l’enfant a besoin d’attention, de temps de partage ou autre, et utilise la douleur pour l’obtenir. Dans ces cas-là, je reflèterais l’enfant en me centrant sur ce qu’il me dit, et en rejoignant petit à petit ses besoins de base, en creusant un peu. Et ensuite, je pense important de trouver une solution sur son terrain (par ex, une situation qui s’est mal passée avec un enfant où il s’est senti défavorisé, aller plutôt réparer ce truc-là au lieu de prendre au 1er degré sa douleur ultérieure).

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