Communication,  Connaissance de soi

Parent, comment te nommes-tu ?

Pour moi, le langage est important. Les mots ont un sens et une vibration, employer un mot plutôt qu’un autre, toujours prononcer un mot ou au contraire, ne jamais l’employer, tout cela n’est pas anodin. Le verbe est créateur. Quand je me définis, quand je définis l’autre ou ce qu’il m’arrive, je contribue à amplifier mon vécu et mon ressenti de l’évènement et à forger l’image que l’autre a de lui, surtout les enfants. Donc, même en gardant de la spontanéité, j’aime regarder comment je pense et ce que je dis pour être vigilante et me corriger si besoin, pour modifier petit à petit un paradigme de langage qui ne me sert plus.

Comment parler de nous et de l’enfant, à l’enfant ?

Je vois des mamans s’adresser à leurs enfants en bas âge « maman te prépare une compote, elle arrive », ou des papas dire « tu fais un câlin à papa ? »

Ne trouves-tu pas ça bizarre ? Moi si !
Est-ce un effet de style que nous aimons pour ressembler à Alain Delon, connu aussi pour avoir parlé quelques fois de lui à la 3e personne ?!

La troisième personne est également utilisée pour parler de ce que l’enfant a fait, devant lui: « ô le beau dessin qu’il a fait Léo », « Marine aime bien casser ses jouets ».

Quand j’entends ces phrases, j’ai l’impression que l’enfant est pris pour un idiot qui ne comprendrait pas qu’on s’adresse à lui sans dire son prénom. Mais peut-être est-ce simplement une tournure de langage « spécial bébé » qui n’a jamais été remise en question.
Ou bien simplement pour dire à l’enfant son prénom pour qu’il le capte bien.

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Ces tournures de phrases font partie de ce que Cristine Schuhl nomme les « douces violences », que j’aborde brièvement dans mon article sur la Violence Educative Ordinaire.

Pourquoi ne pas simplement dire « Je » ?
« Je vais te donner le bain », « voudrais-tu venir me faire un câlin? »
Et parler à l’enfant en « tu » ?

Bon, en toute honnêteté, je ne pense pas que cela ait un effet délétère pour l’enfant et que le mot « violence » est extrême comparé à des actes d’un autre genre. Ce qui me paraît beaucoup plus important dans ce cas est l’intention d’amour parental avec laquelle les mots sont prononcés. 
Mon avis est que l’on peut réellement faire confiance en la grande intelligence de nos tout petits, en leur parlant comme à des grandes personnes, quitte à leur expliquer s’ils ne paraissent pas comprendre quelque chose.

Comment nommer l’autre parent ?

L’appeler maman, papa ?

Il est très répandu d’entendre un papa ou une maman parler à son enfant de l’autre parent en disant « papa OU maman ».
Par exemple : La mère dit « Tu vas voir papa ? », ou le père dit « Maman va te donner la douche juste après. »

Peut-être qu’absolument rien ne te choque dans ces formulations. Me concernant, quelque chose me dérange.

En fait, cela peut semer de la confusion chez les parents et les enfants.

Moi, quand je dis « papa ou maman », je pense à mes parents car c’est comme ça que je les appelais enfant et que je les appelle encore.

Mon compagnon a beau être le père de mes enfants, je tiens à ce qu’il reste mon amoureux. Si je l’appelle « papa » (en m’adressant à mes enfants plusieurs fois par jour), cela peut contribuer à créer de la confusion sur la place de chacun dans la cellule familiale, et à faire baisser le désir au sein du couple conjugal (car qui a envie de coucher avec son père ou sa mère franchement ?).

Je sais que tu sais que ton mec ou ta nana n’est pas ton père ou ta mère !
Mais je vais voir un peu plus dans l’implicite et dans ce qui est véhiculé derrière. Il m’apparaît important de regarder les mots employés qui répétés au quotidien entraînent des comportements avec lesquels on peut finir par prendre son amoureux/se pour son enfant ou son parent…

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De la même manière, il m’arrive de rencontrer des personnes qui me parlent de leurs parents en me disant « maman et papa », sans doute pour m’indiquer la proximité qu’elles ont avec leurs parents. Mais pourquoi ne pas me dire « ma mère » ou « mon père » puisque je ne suis pas un membre de leur famille ? C’est uniquement avec mes frères et soeurs que je parle de ma mère en disant « maman », car nous l’avons en commun.

S’appeler par son prénom ?

De plus, je suis réticente quant au fait que les enfants appellent leurs parents systématiquement par leur prénom, dans notre culture. Cela me paraît contribuer à créer de la confusion en mettant tout le monde au même niveau. Je ne parle pas d’un niveau de respect mais de place dans la famille.

En tant que parent, j’ai de l’autorité sur mon enfant, mais s’il m’appelle toujours par mon prénom, en fait c’est comme si j’étais sa sœur, sa copine, voire son enfant. Cela veut dire que tout le monde peut avoir de l’autorité sur tout le monde : le frère sur la sœur, la mère sur le père etc… Pour la construction de l’enfant, cela est important que chacun soit bien à sa place.

Quand l’enfant appelle son parent « maman » ou « papa », en plus d’être naturellement un signe d’affect, cela contribue à ancrer la filiation.
Une fois adulte, je ne vois aucun inconvénient à appeler son parent par son prénom puisque le parent n’est plus censé avoir d’autorité sur l’adulte qu’il est devenu.
Le fait de garder l’appellation « maman » ou « papa » indique que l’affect est (encore) là ou que c’est une question d’habitude. Personnellement, ce serait plus juste d’appeler mes parents par leurs prénoms; j’ai essayé une fois avec ma mère, mais je bousculais tellement de choses dans la relation et chez elle qu’en rajouter une couche avec le prénom était un peu trop pour elle.

TON père, TON papa, prénom

Ce que l’on fait chez nous, c’est que l’on parle de l’autre parent à notre enfant en disant « son prénom », « ton père », « ton papa ».

Sans qu’on lui apprenne quoique ce soit de manière explicite, notre enfant nous appelle « maman » ou « papa » et parle de nous à l’autre parent en disant soit « maman ou papa » soit nos prénoms, et à d’autres adultes, il parle de nous par nos prénoms.

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Couples homoparentaux

Je suis loin d’être une spécialiste de cette configuration parentale, mais je souhaite l’inclure dans ce sujet.
Je suppose qu’ayant 2 pères ou 2 mères, cela pourrait sembler logique de dire « maman » ou « papa » pour les 2. Pourtant, les 2 personnes du même sexe ont chacune une énergie plus féminine pour l’une et plus masculine pour l’autre. Et j’imagine que, naturellement, l’enfant distingue ses parents en les nommant différemment.
Il me semble que c’est à chaque couple parental de trouver ce qui lui convient comme « surnom » de distinction. Cela pourrait donner « maman » et un dérivé du mot maman du style « mamoum« , ou bien « maman Brigitte » et « maman Sophie » pour citer des exemples de prénoms.

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7 commentaires

  • Miren

    Merci pour cet article très intéressant, qui ouvre de nombreuses pistes de réflexion. Autant le fait de m’adresser à des enfants à la troisième personne m’a toujours interpellée, autant je n’avais jamais réfléchi au fait d’appeler le conjoint « papa » ou « maman » devant l’enafant san mettre le possessif devant. et pourtant, après lecture de ton article, cela me semble bien plus cohérent!

  • eric

    J’adhère completement avec l’article et les mots véhiculent non seulement un sens mais également portent une dimension psychique … de même pour les noms que nous donnons à chacun. Faire un choix éclairé et personnel transmet toute la dimension affective que nous portons pour chacun.

    • Nathalie

      Bonjour, merci pour votre article !

      Juste une petite précision : les différents pronoms « je », « tu », « me », « te »… sont assez difficiles à comprendre pour le tout-petit dans ses premiers mois. La formulation « Maman prépare une compote à Léo » est simplement plus compréhensible pour son acquisition des premières notions du langage (sujet-verbe-complément). De cette façon il peut poser un nom sur chacune des composantes de son environnement (Maman, préparer, compote, Léo)…

      Le terme de « douce violences » me semble donc plutôt extrême !

      En revanche, je vous rejoins quand l’enfant est plus grand (je dirais environ 2 ans), il est important de modifier cette façon de faire pour formuler des phrases avec pronoms (« je te prépare une compote »), et c’est plutôt là l’erreur de certains parents, de rester « enfermés » dans cette façon de parler « maman fait ci » même quand l’enfant est grand !

      Et c’est vrai qu’on entend quand même assez souvent cette façon de s’exprimer ! Merci d’avoir soulevé ce sujet 🙂

  • Deltrey

    Hello
    Merci pour cet article très intéressant et qui donne à réfléchir.
    Une chose est sûr est que je ne laisserais jamais mes enfants m’appeler par mon prénom !

  • Coralie

    Et bien Bastienne, il y a de quoi débattre dans cet article. En effet, tout cela peut traduire beaucoup de chose, je suis toujours très amusée quand ma soeur me dit « ma mère », je lui rappelle que c’est un peu la mienne aussi. Par contre, je pense aussi que certaines pratiques de langage sont liées à la transmission familiale sans remise en question.

    • Bastienne

      hehe ! et oui, il ne fait pas l’unanimité celui-là! En effet, ton exemple est aussi parlant dans ce sens. Cela me vexait enfant quand ça m’arrivait, j’essaye d’y faire attention.

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